Physiologie de la vigne et biodiversité : les 2 mamelles qui nourrissent et élèvent nos vins.

J’ai pour habitude de parler de notre cave comme d’une maternité/nurserie pour les vins qui y naissent – famille de Sages-femmes oblige –  et la sortie d’un foudre, pour ceux qui y sont déjà entrés, s’apparente à un accouchement. A l’intérieur un ciel étoilé, un milieu clos, odorant, où brillent les cristaux de tartrate. La vigne qui porte le fruit, les levures qui parviennent à fermenter ses sucres ne sont qu’une infime partie des process que le vivant a expérimentés et que l’homme peut encore apprivoiser par des pratiques plus fines, davantage des non-faire que des hypothèses d’apprenti sorcier.

Je situe notre quête à l’opposé de celle des nouveaux « OGM », qui seront dépassés avant d’être multipliés : elle repose sur des questions plus que sur des certitudes :

Comment oublier que le vivant bouge, entre maladies émergentes et résistances induites ? Les vignes inventées aujourd’hui seront dépassées avant d’exprimer un quelconque terroir dans 30 à 50 ans. Ou bien serons-nous forcés de les arracher/replanter tous les 15 ans ?

Le poids des titres & travaux, de la rentabilité à tout prix de recherches qui devraient avant tout nourrir notre humilité est-il tel ?

A l’heure du bilan carbone financiarisé, l’agro-foresterie, incorpore-t-elle le piégeage du carbone sous forme d’animaux non fixés (oiseaux, insectes, etc…) qui survivent ou ne restent que là où ils trouvent à manger, habiter, se reproduire  ?

 

Ce que biodiversité veut dire reste à écrire ; quelques images en attendant :

En ce printemps 2016, les fabacées s’en donnent à cœur joie

 

La définition du “vin de la biodiversité”, donnée par Yvon le Maho à l’occasion du chapitre dédié au vin des savants, permet d’éclairer nos horizons :
“le vin de la biodiversité doit beaucoup à la science, ce sera le vin qui aura utilisé tous les mécanismes offerts par les écosystèmes dans les vignes …”

 

 

 

Huppe fasciée, crapaud vert et autres escargots de bourgogne


La bonne nouvelle de notre « éco-mimétisme » ou approche « environnmentaly friendly » reste le lent mais possible retour de vies éloignées pour un temps : avis aux botanistes, entomologistes, ornithologues ou herpétologues… nos chaînes se recomposent avec du temps. Pelotes de grand ducs dans nos vignes, ophrys-abeille, lézard des souches et lézard vert qui reste à photographier, nos vignes grouillent, racontent leur vie les soirs d’été ou tôt le matin, premiers (plutôt que derniers) refuges pour une biodiversité restaurée. Comptages de 4 mâles de crapaud vert et une femelle qui ont colonisé notre petite pataugeoire depuis 2015. Chant vespéral, têtards que viennent gober les canards sauvages, …crapaud

 

Comptage d’escargots : zéro pointé dans une parcelle voisine au sol désherbé et travaillé, 4 par cep entre Bourgogne et Petit gris chez nous. Croisé dans 3 parcelles différentes et dérangé dans leur sieste/repas 3 jeunes faons, 1 chevreuil mâle et une femelle avec 2 des faons… de plus en plus difficile de rentrer dans nos parcelles “partagées”.

bourgogne     S26tout jeune chevreuil dérangé par moi...

 

Depuis 3-4 années je rencontre épisodiquement un couple de huppes fasciées : au-dessus notre Sylvaner du Horn, de la Carrière Royale et tout récemment au-dessus du chai : houp, houp, on ne peut pas se tromper.
Les orchidées restent fidèles au rdv – idem pour les cueilleurs (on se demande ce qu’ils en font) même en zone protégée…

      opchisavant   ophrysapres

 

Enfin en ce printemps humide, vive les Fabacées – ex légumineuses – dont la gesse (L. aphaca) qui m’avait gommé il y 10 ans déjà chardons et liserons tout en enrichissant mon sol. Surtout présente sur la partie du socle de calcaire coquillier avec près de 25 autres plantes à gousses, qui se dessèchent dès la fin juin alors que la vigne démarre vraiment. Le retour également des tulipes sauvages au fond du Bruch.

                 gesce     tulipes

Les 5 sens de la vigne …

Tout dégustateur qui se respecte a travaillé un jour les 5 sens qui lui permette d’approcher le vin.

Qu’en est-il de la vigne ? Ne serait-il pas cohérent d’utiliser également nos sens pour approcher la vie de cette plante indigène en Alsace ? L’été s’y prête tout particulièrement.

La vue : après l’explosion florale du printemps, ce sont les dernière fleur de l’été : le blanc domine au milieu de la forêt verte : carottes sauvages et autres ombellifères, boules de gypsophile, dernières composées, et de temps en temps une coronille ou un poix de senteur qui refleurit et colore la palette

Rothstein 2011

la vigne qui se plaît au beau milieu de la végétation, est d’un vert lumineux, agite ses rameaux à la moindre brise ou au contraire protège ses raisin à l’ombre de ses feuilles. Elle est à son aise dans cette chaleur et lumière puisque ses racines sont au frais…

L’odorat : dernières senteurs de mélilot, fragrance d’origan ou de serpolet que l’on écrase en marchant – déjà bien loin, la floraison de la vigne faisant règner un parfum très facile à identifier

Le toucher : c’est la saison où nous tenons/caressons, le plus la vigne : le tressage des rameaux est long, en ârtie mécanisé, mais une fois terminé le palissage mécanique, c’est chaque pied que nous visitons pour aider la vigne à s’accrocher, à protéger ses rameaux

le toucher des feuilles est particulièrement éloquent : cutilcule cirée, feuille bien tendues, branches déjà solide, avec très peu de moelle, un bois qui durcit rapidement

L’ouie : depuis plusieurs années, c’est une vraie découverte, : les nombreux insectes qui visitent les plantes animent un bourdonnement continu ; au soir ce sont les grillons et autres sauterelles qui prennent le relai

10m plus loin, dans les vignes fauchées, c’est Waterloo morne plaine : pas de fleurs, pas d’insercte, pas d’insectivores, pas d’oiseaux ; circulez il n’y a rien à voir ni à manger

sans parler des graines déjà bien sèches qui agitent leur grelot dans les gousses de pois sauvages

l’enregistrement reste à mettre en ligne…

Le goût : bien sûr l’automne sera la saison phare : la dégustation des raisins, peaux & pépins bien mâchés, permet de trouver le bon moment où le raisin est mûr

mais combien d’herbes (poireaux, ciboulette, fraises sauvages, mûres ou pêchers plantés dans les talus,…) permettent de retrouver le goût mûri par chaque recoin de nos collines

Alors, le sens de la vie, comme celui de la vigne et du vin, que nous percevons avec nos moyens d’humain, peut-il se passer de cohérences et de complexité ?

Bel été, en pleine biodiversité !