Biodynamie : un terme à réserver à l’histoire qui fait pourtant les beaux jours du vin magique (ou commercial ?)

La question est lancinante, presque lassante : faites-vous (ou sous-entendu “quand ferez-vous”, pour grimper dans la hiérarchie ambiante et entretenue) également de la biodynamie ?

S’il me paraît évident d’être pour le moins certifié en biologie, en attendant le retour à la simplicité et à la responsabilité individuelle et collective, ma réponse concernant l’anthroposophie reste identique depuis 15 ans. Moins méchante que l’analyse de Michel ONFRAY dans Cosmos, je trouve que le grigri qu’elle représente est un moindre mal, eu égard aux nombreux pesticides, engrais chimique, gâchis environnementaux qu’elle peut éviter. Le grand-père de mon épouse cultivait un jardin biodynamique au début du 20ème siècle, ce qui ne l’a pas empêché de « taper » sur les rouges lorsque le Front populaire débarqua à Strasbourg. Ce serait pure hypocrisie de ma part que d’acheter un produit et des engins spécifiques à un prix fixé, sans marché, juste pour pouvoir afficher un label, alors que, n’ayant pas la foi, je ne souhaite pas alimenter la secte.

Cependant, je suis sans aucun doute bien plus critique vis-à-vis des « bios » à minima, au sens européen du terme, qui détournent et récupèrent un concept mort-né, juste dans l’air du temps. De biologie, il ne reste que des normes et un logo, sans la vie ni la parole.

Travaillant à un peu plus d’humilité, je confirme que ce n’est pas « moi qui dit » : ni en effectuant tel préparat à tel moment, ni via telle manœuvre avec telle conjonction astrale, ni en croyant qu’au bout du compte j’obtiendrai telle amélioration (de quoi?) ou telle accélération (pour aller plus vite que quoi?).

En plein Anthropocène, ce n’est visiblement plus l’homme qui est au centre de la parole. Savoir changer de référentiel (se mettre à la place d’une vigne et re-con-naître ce qu’est un raisin) et savoir changer d’échelle (il n’y a aucune raison pour que le 2 10^0 que nous pratiquons soit le seul chef d’orchestre du 10^32 ou du 10^-14) sont des impératifs si nous voulons vivre avec plutôt que contrôler/tuer.

Surfer sur la vague est sans doute plus proche du Tao que de la science mécaniste et des illusions de la fin du 19ème siècle , plus proche du souffle, de l’âme, que du codage spécifique et figé. Les probabilités, le hasard et la physique quantique sont passé par là.

Le 21ème siècle sera … ? ce que nous en ferons. Surfer sur la vague et être dans les « starting blocks » pour pouvoir revenir au rivage

Esthétique et éthique

J’avais inscrit cette double qualité sur ma page blanche à écrire en 2001. Difficile de quitter l’approche purement esthétique du vin : grands critiques, grands cuisiniers, grands vins, il m’a fallu du temps pour les relativiser.

Au final, la distance s’est faite d’elle même, par les vins qui nous naissent. Juste des vins de raisins mûrs ou sur mûris, cueillis dans des vignes non rognées, au sols non travaillés ni enrichis, aux plantes non fauchées, des fruits aux enzymes déjà actives et préservées, des levures, bactéries etc.. les moins perturbées possibles – l’écologie de la baie de raisin mûr m’intéresse toujours si vous tombez sur des travaux (cf une thèse du Portugal).

Les vins sont certes à l’image de leurs terroirs et millésimes, certes quelquefois en contradiction avec nos œillères gustatives, mais que notre « intelligence prospective » peut qualifier de vin vrai, qui s’insère dans le process de la vie, jusqu’à l’aliment qu’il doit rester.

Que le plaisir du « beau » ou du « grand » vin puisse rester un des possibles ne me choque pas, sauf lorsqu’il se veut impératif voire castrateur. Pour ma part, j’ai choisi de privilégier la dimension éthique pour plus de cohérence, quitte à ne pas la sacrifier au goût et à la hiérarchie dominante.

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Dans la bibliothèque, nous trouverez mes notes d’une intervention sur le vin éthique à l’Ecole de Management de Strasbourg. La combinaison acceptable des 2 critères passe sans aucun doute par la mise au point de process certes mouvants et adaptatifs mais « rentables » collectivement et individuellement. Bonjour la méso-économie !

Physiologie de la vigne et biodiversité : les 2 mamelles qui nourrissent et élèvent nos vins.

J’ai pour habitude de parler de notre cave comme d’une maternité/nurserie pour les vins qui y naissent – famille de Sages-femmes oblige –  et la sortie d’un foudre, pour ceux qui y sont déjà entrés, s’apparente à un accouchement. A l’intérieur un ciel étoilé, un milieu clos, odorant, où brillent les cristaux de tartrate. La vigne qui porte le fruit, les levures qui parviennent à fermenter ses sucres ne sont qu’une infime partie des process que le vivant a expérimentés et que l’homme peut encore apprivoiser par des pratiques plus fines, davantage des non-faire que des hypothèses d’apprenti sorcier.

Je situe notre quête à l’opposé de celle des nouveaux « OGM », qui seront dépassés avant d’être multipliés : elle repose sur des questions plus que sur des certitudes :

Comment oublier que le vivant bouge, entre maladies émergentes et résistances induites ? Les vignes inventées aujourd’hui seront dépassées avant d’exprimer un quelconque terroir dans 30 à 50 ans. Ou bien serons-nous forcés de les arracher/replanter tous les 15 ans ?

Le poids des titres & travaux, de la rentabilité à tout prix de recherches qui devraient avant tout nourrir notre humilité est-il tel ?

A l’heure du bilan carbone financiarisé, l’agro-foresterie, incorpore-t-elle le piégeage du carbone sous forme d’animaux non fixés (oiseaux, insectes, etc…) qui survivent ou ne restent que là où ils trouvent à manger, habiter, se reproduire  ?

 

Ce que biodiversité veut dire reste à écrire ; quelques images en attendant :

En ce printemps 2016, les fabacées s’en donnent à cœur joie

 

La définition du “vin de la biodiversité”, donnée par Yvon le Maho à l’occasion du chapitre dédié au vin des savants, permet d’éclairer nos horizons :
“le vin de la biodiversité doit beaucoup à la science, ce sera le vin qui aura utilisé tous les mécanismes offerts par les écosystèmes dans les vignes …”