10 raisons pour poursuivre notre quête de la grande biodiversité : merci pour vos contributions dans les commentaires.

Mûrir ses fruits, la vigne l’a expérimenté bien avant que l’humain ne songe à l’apprivoiser, la transporter, la multiplier et planter, labourer ou biner le sol, la palisser, la rogner, l’effeuiller, la gaver, la fragiliser, la transformer en machine à raisins … Si la permaculture va de pair avec la vie plus libre de la vigne elle-même pour lui permettre de jouer de tous ses mécanismes et « savoirs », l’engouement pour le durable permet de lister quelques effets de la grande biodiversité  que je vous livre en vrac sans hiérarchie et en devenir.

personnalité forte des vins, vraiment expression de leur terroir non rectifié

la vigne est l’être vivant qui y vit, passer directement d’un sous-sol/sol à un vin relève de la simplification extrême – pourquoi faire simple lorsque la réalité est complexe ? la réponse affirmative à cette interrogation relève du bruit du tiroir caisse

résistance physique des tissus, qui va de pair avec une concentration des jus (baies plus petites, grappes lâches,…) – tout ce qu’il faut pour un aliment intéressant, qui nourrit, non vendu au poids – tout est dans la peau et sous la peau du fruit, le tissu rétributif amuse et rémunère le frugivore qui…

comportement de la vigne en milieu concurrentiel – le non rognage respecte le cycle végétatif complet pour des fruits physiologiquement mûrs, tout ce qu’il faut pour un millésime respecté-respectable pour qui le comprend (quitte à ne pas l’aimer)

adaptabilité de la biocénose en ces temps de changements climatiques

le fait de ne pas semer les plantes mais bien de les laisser conquérir leur place (certes avec du temps), permet d’avoir « celles qui savent y faire »

les réactions en années sèches et humides sont éloquentes – en 2015, certains collègues, voyant mes vignes vertes en pleine canicule, m’ont demandé si j’apportais des engrais

en 2016, nous mesurerons les différences de t° et d’humidité au sol et sous la vigne 

auto-nutrition du sol et disponibilité des différents nutriments, minéraux, molécules, au long des saison, millésimes, …

co-responsabilité avec d’autres parties de la planète, moins pillées

en ce 15 mai 2016 j’en suis à même pas un passage tracteur – la vigneron raisonnable a passé son 7ème tour soit 280 km : broyage, engrais ou compost, labour sous le rang, rotoherse entre les rangs, fauchage, semis, désherbage,…

libère du temps pour la rencontre et le partage, qui reste un privilège humain et rare

seuls quelques collègues reconnaissent qu’ils font du tracteur parce qu’ils s’ennuient. A “pourquoi coupent-ils des feuilles, des branches ou cultivent des pelouses dignes d’un feuilleton californien en pleine Alsace”, les réponses restent plutôt vagues.

pour ma part à chaque ennui/erreur, correspond une nouvelle technique, une nouvelle machine, un nouveau produit en vigne ou en cave pour compenser (certes aussi optimiser économiquement à court terme) la viticulture forcée : effeuiller pour avoir rogné, rogner pour avoir mis des engrais et provoqué un excès de vigueur, décompacter pour avoir tassé, chaptaliser/désacidifier etc… pour avoir chargé la mule, donner des médicaments pour avoir rendu malade, … Y. Illitch s’amuserait bien avec les winemakers !

co-responsabilité avec les générations futures en maintenant des ressources tant génétiques que fonctionnelles of course nous privilégions les sélections massales

limitation des intrants et molécules artificielles qui s’accumulent voire détruisent ou interfèrent négativement (hormones de synthèse, même autorisée en « bio », …) y compris avec l’humain

interactions nombreuses entre les différentes plantes, insectes, molécules,… leur étude en milieu ouvert, même fortement mouvant et artificialisé/appauvri comme les nôtres, sont trop peu nombreux c’est pour cette raison que je poursuis mes expérimentations à ciel et cave ouverts

entre les effets purement physiques (plantes qui bloquent l’évaporation, tapis végétaux qui empêchent les gouttes de pluie de rebondir sur les sols nus et tassés en transportant les inoculum de champignons indésirables directement dans les inflorescences etc…), biologiques (occupation des loci), moléculaires etc… il y en aurait des emplois à pourvoir en contrepartie d’une taxe sur les polluants, les gâchis, etc…

par souci d’honnêteté intellectuelle, je compléterai également la liste par ses inconvénients, pour le moment sous forme d’understatement, histoire de pratiquer un peu d’auto-dérision :

problème des arbres et des haies pas drôles à couper, épineux qui crèvent les pneus, etc… (notamment en regard des règles de l’AOC qui impose la taile en Guyoy simple ou double, mais également à long terme par la fermeture des paysages – la vigne reste une liane)

non contribution à la valeur ajoutée (du moins celle qui mesure notre bonheur en additionnant des intrants totalement inutiles et contre-productifs) car moins de commerce, de circulation de produits, …

difficultés de voisinage inter-générationnel,

 

Les 2 listes ne sont de loin pas closes, dans l’attente de vos commentaires…

Ensuite, on pourrait faire la même liste avec les levures, bactéries…, voire au plan moléculaire avec les enzymes, tanins, …

Biodynamie : un terme à réserver à l’histoire qui fait pourtant les beaux jours du vin magique (ou commercial ?)

La question est lancinante, presque lassante : faites-vous (ou sous-entendu “quand ferez-vous”, pour grimper dans la hiérarchie ambiante et entretenue) également de la biodynamie ?

S’il me paraît évident d’être pour le moins certifié en biologie, en attendant le retour à la simplicité et à la responsabilité individuelle et collective, ma réponse concernant l’anthroposophie reste identique depuis 15 ans. Moins méchante que l’analyse de Michel ONFRAY dans Cosmos, je trouve que le grigri qu’elle représente est un moindre mal, eu égard aux nombreux pesticides, engrais chimique, gâchis environnementaux qu’elle peut éviter. Le grand-père de mon épouse cultivait un jardin biodynamique au début du 20ème siècle, ce qui ne l’a pas empêché de « taper » sur les rouges lorsque le Front populaire débarqua à Strasbourg. Ce serait pure hypocrisie de ma part que d’acheter un produit et des engins spécifiques à un prix fixé, sans marché, juste pour pouvoir afficher un label, alors que, n’ayant pas la foi, je ne souhaite pas alimenter la secte.

Cependant, je suis sans aucun doute bien plus critique vis-à-vis des « bios » à minima, au sens européen du terme, qui détournent et récupèrent un concept mort-né, juste dans l’air du temps. De biologie, il ne reste que des normes et un logo, sans la vie ni la parole.

Travaillant à un peu plus d’humilité, je confirme que ce n’est pas « moi qui dit » : ni en effectuant tel préparat à tel moment, ni via telle manœuvre avec telle conjonction astrale, ni en croyant qu’au bout du compte j’obtiendrai telle amélioration (de quoi?) ou telle accélération (pour aller plus vite que quoi?).

En plein Anthropocène, ce n’est visiblement plus l’homme qui est au centre de la parole. Savoir changer de référentiel (se mettre à la place d’une vigne et re-con-naître ce qu’est un raisin) et savoir changer d’échelle (il n’y a aucune raison pour que le 2 10^0 que nous pratiquons soit le seul chef d’orchestre du 10^32 ou du 10^-14) sont des impératifs si nous voulons vivre avec plutôt que contrôler/tuer.

Surfer sur la vague est sans doute plus proche du Tao que de la science mécaniste et des illusions de la fin du 19ème siècle , plus proche du souffle, de l’âme, que du codage spécifique et figé. Les probabilités, le hasard et la physique quantique sont passé par là.

Le 21ème siècle sera … ? ce que nous en ferons. Surfer sur la vague et être dans les « starting blocks » pour pouvoir revenir au rivage

Esthétique et éthique

J’avais inscrit cette double qualité sur ma page blanche à écrire en 2001. Difficile de quitter l’approche purement esthétique du vin : grands critiques, grands cuisiniers, grands vins, il m’a fallu du temps pour les relativiser.

Au final, la distance s’est faite d’elle même, par les vins qui nous naissent. Juste des vins de raisins mûrs ou sur mûris, cueillis dans des vignes non rognées, au sols non travaillés ni enrichis, aux plantes non fauchées, des fruits aux enzymes déjà actives et préservées, des levures, bactéries etc.. les moins perturbées possibles – l’écologie de la baie de raisin mûr m’intéresse toujours si vous tombez sur des travaux (cf une thèse du Portugal).

Les vins sont certes à l’image de leurs terroirs et millésimes, certes quelquefois en contradiction avec nos œillères gustatives, mais que notre « intelligence prospective » peut qualifier de vin vrai, qui s’insère dans le process de la vie, jusqu’à l’aliment qu’il doit rester.

Que le plaisir du « beau » ou du « grand » vin puisse rester un des possibles ne me choque pas, sauf lorsqu’il se veut impératif voire castrateur. Pour ma part, j’ai choisi de privilégier la dimension éthique pour plus de cohérence, quitte à ne pas la sacrifier au goût et à la hiérarchie dominante.

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Dans la bibliothèque, nous trouverez mes notes d’une intervention sur le vin éthique à l’Ecole de Management de Strasbourg. La combinaison acceptable des 2 critères passe sans aucun doute par la mise au point de process certes mouvants et adaptatifs mais « rentables » collectivement et individuellement. Bonjour la méso-économie !