Les mots du refus et amendes de l’INAO

Rencontrée il y a quelques semaines, la direction de notre ODG a bien du mal à entrouvrir les portes de l’expérimentation. Coincée entre des concepts bien français qui servent à définir (enfermer) la notion de vin de qualité, la tâche sera rude pour faire avancer la cause des vins (nature ou non) au sein de nos appellations-prisons.

Le schéma est typé des années 80 :

appellation définie par un cahier des charges (en principe écrit par chaque AOC mais sommée d’être cohérente avec une vision centralisée de ce que doit être un vin “de qualité”)

un plan de contrôle à 3 niveaux, pyramidal classique, (celui de Paris étant à la fois le rempart/pouvoir et le bâton que l’on peut agiter aux pauvres vignerons d’en bas) :

ODG, organisme de contrôle externe, INAO

à la base des courriers « pédagogiques », plus proches de menaces de sanctions pour tous ceux qui voudraient trop s’éloigner de la norme définie collectivement (via quelques uns).

Ainsi un vin (que je vous invite à venir goûter) qui aurait été jugé indigne d’être un sylvaner (car tannique donc âpre), un pinot gris avec mention sélection de grains-nobles (120gr/l de sucres résiduels mais salé et de couleur très claire car non oxydé/élevé, verdict manque de matière), un gewurztraminer ou un crémant pas assez sulfités (!), un Grand Cru non désacidifié, un gewurztraminer pas assez « sucré »… En gros à chaque vin prélevé, nous nous retrouvons avec une mauvaise note, source de courrier vexatoire (que je vais commencer à afficher) et d’ « amende ». En fait il s’agit du coût de la re-notification (qui nous a déjà été faite par l’organisme chargé du contrôle externe) de la dite notification par l’INAO. Au passage, même pour un défaut « mineur », 19 euros par vin dégusté « insuffisant » qui entrent dans la cagnotte de l’INAO avec la menace de nous retirer le « bénéfice » de l’appellation en cas de refus de paiement.

A souhaiter que le budget serve pour le moins à nourrir une réflexion plus tolérante pour nos appellations. Les limites des vins qu’elles revendiquent seraient celles que nous définissons collectivement. Alors apprenons à nous écouter et à apprécier nos différences. L’approche reste conflictuelle : seuls certains mots peuvent être utilisés pour qualifier les vins à défaut. Si vous arrivez à vous le procurer, beau recueil que celui qui répertorie limitativement le vocabulaire qui délimite les frontières du vin d’Alsace AOC.

En attendant, il me semble que la biodiversité propre à un terroir n’entre toujours pas dans la définition du « Terroir à la française » de l’INAO. La belle photo de marguerites dans les pentes d’un vignoble alsacien (je les suppose semées car je n’en ai jamais vues s’ouvrir d’elles-mêmes dans nos pentes mais surtout dans les prés inondables et autres zones de plaine !), qui illustre quelques pages web du CIVA, rend bien compte de la pauvreté/superficialité de l’analyse. On en rediscute dans 2 générations : pas de quoi s’ennuyer d’ici là.

Un frémissement : mettre de l’environnemental dans les AOC (histoire de ne pas être en retard?) si possible via des chartes non opposables…

Huppe fasciée, crapaud vert et autres escargots de bourgogne


La bonne nouvelle de notre « éco-mimétisme » ou approche « environnmentaly friendly » reste le lent mais possible retour de vies éloignées pour un temps : avis aux botanistes, entomologistes, ornithologues ou herpétologues… nos chaînes se recomposent avec du temps. Pelotes de grand ducs dans nos vignes, ophrys-abeille, lézard des souches et lézard vert qui reste à photographier, nos vignes grouillent, racontent leur vie les soirs d’été ou tôt le matin, premiers (plutôt que derniers) refuges pour une biodiversité restaurée. Comptages de 4 mâles de crapaud vert et une femelle qui ont colonisé notre petite pataugeoire depuis 2015. Chant vespéral, têtards que viennent gober les canards sauvages, …crapaud

 

Comptage d’escargots : zéro pointé dans une parcelle voisine au sol désherbé et travaillé, 4 par cep entre Bourgogne et Petit gris chez nous. Croisé dans 3 parcelles différentes et dérangé dans leur sieste/repas 3 jeunes faons, 1 chevreuil mâle et une femelle avec 2 des faons… de plus en plus difficile de rentrer dans nos parcelles “partagées”.

bourgogne     S26tout jeune chevreuil dérangé par moi...

 

Depuis 3-4 années je rencontre épisodiquement un couple de huppes fasciées : au-dessus notre Sylvaner du Horn, de la Carrière Royale et tout récemment au-dessus du chai : houp, houp, on ne peut pas se tromper.
Les orchidées restent fidèles au rdv – idem pour les cueilleurs (on se demande ce qu’ils en font) même en zone protégée…

      opchisavant   ophrysapres

 

Enfin en ce printemps humide, vive les Fabacées – ex légumineuses – dont la gesse (L. aphaca) qui m’avait gommé il y 10 ans déjà chardons et liserons tout en enrichissant mon sol. Surtout présente sur la partie du socle de calcaire coquillier avec près de 25 autres plantes à gousses, qui se dessèchent dès la fin juin alors que la vigne démarre vraiment. Le retour également des tulipes sauvages au fond du Bruch.

                 gesce     tulipes

Vivons d’éternité, vivons tout court.

Belle interrogation que je partage avec certains, dont mes amis du temps de Violence et Paix, celui de nos 20 ans où nous expérimentions la « non-violence » au quotidien.

La question est plus que théologique : certes, nos religions occidentale font la part belle à l’éternité « après la mort », ce qui nous a permis de développer de notre vivant un « progrès » technique et commercial, sans trop de questionnements à court terme. L’aboutissement de cette croissance en comportement financiarisé, confronté au temps et à la mode du durable, redonne tout son intérêt à cette notion. De plus, la cohabitation avec d’autres culture où l’humain occupe une place moins centrale, me conforte dans l’idée qu’il est plus qu’utile de changer de référentiel : si vous étiez une vigne, avec des gènes vieux de quelques centaines de millions d’années, quelle serait votre regard sur des pratiques d’un millénaire voire de quelques décennies ?