Vins d’Alsace ou vins alsaciens ?

C’est à l’occasion d’une intervention en anglais que j’ai pu me rendre compte que la traduction de vins d’Alsace était Alsace Wines et non alsatian wines. La notion d’AOC/AOP, visiblement difficile à maintenir « up to date », s’accroche à notre dernier retour vers la France et reste bien centralisée, formatée, quand bien même on nous dit que ce sont les vignerons alsaciens qui décident. Mais qu’avaient-ils à dire en 1945 et surtout comment se défaire de l’infantilisation docile dans laquelle nous semblons nous complaire. La psychanalyse du vin d’Alsace reste à écrire !

au XII ème siècle, en Alsace
au XII ème siècle, en Alsace

Quelles évolutions pour nos vins d’Alsace ?

Elles seront davantage plurielles que jusqu’alors. Alors que la concentration des moyens de vinification/commercialisation se poursuit, la voie/voix dominante se démarque de plus en plus d’autres approches, certes plus isolées et confidentielles, dont la nôtre.

Nous partageons notre volonté de vivre au plus près de nos terroirs avec la trentaine de vignerons qui construisent la charte Vinabio, en transparence et diversité. Alors que la famille des vins biologiques s’agrandit, avec à sa disposition de nombreux moyens plutôt éloignés de la notion de terroir (guano bio du Chili, phosphates de Tunisie, bientôt désherbants bio ?, nombreuses techniques industrielles de cave, …) et encore plus du vivant (que restera-t-il de la parole du vivant, du bio-logos, que feront-nous lui dire ?), il devient presque anormal de vouloir faire naître des vins à partir de simples raisins, mûrs ou sur-mûris, sans ajouts ni retraits en cave.

L’idée du vin bien fabriqué, même à partir de raisins plus ou moins intéressants, bio ou non, reste le critère dominant de réussite, voire de plaisir à partager.

Notre quête reste donc une voie étroite que nous partageons volontiers, entre balade dans les terroirs, visites et dégustations techniques ou ludiques, accords mets-vins comme celui autour des plantes sauvages de nos vignes, à l’occasion de l’apéro gourmand le 7 mai dernier : plantain et consoude (surtout dans le Rothstein), poireau sauvages (Bruch, Obermuehl), ficaire (Dionysiuskapelle), dernières orties perdues dans les talus, pointes de houblon suavages et lierre terrestre (Buehl), tout juste arrivées les fleurs de sureau, viendront les fraises des bois et … les raisins épargnés par les gelées tardives et la grêle.

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Nos interrogations à partager restent nombreuses, je les livre en vrac en quelques paragraphes. Si vous souhaitez approfondir l’une d’elles, n’hésitez pas à nous écrire ou à construire un temps de rencontre à Wolxheim ou dans votre cercle (nous nous déplaçons ou mettons à profit nos pérégrinations pour caler des dates opportunes).

Entre conférences, dégustations commentées, échanges informels, chaque rencontre ou explication est pour nous un apprentissage supplémentaire, sans compter l’effet papillon que nous cultivons à souhait.

News de Wolxheim

Le mandat de « Grand Maître » accepté en 2015 m’a tenu éloigné de notre site et parallèlement permis de m’exprimer, certes « honorifiquement », de manière plus générale au sein de la famille des vins d’Alsace. L’expérience a été enrichissante, certes de courte durée, mais intense et riche de rencontres et d’enseignements. En partageant notre quête par le choix des thèmes retenus pour les chapitres de la Confrérie Saint-Etienne, le vin des artistes, le vin des savants, le vin des philosophes et pour clore la “tétralogie”, le vin virtuel, j’ai souhaité interroger avant tout mes confrères/consœurs et peut-être entre ouvrir une voie possible pour notre confrérie vinique : au-delà du folklore, la tradition de respect mutuel, l’absence de contingence « politique » et l’ouverture d’esprit illustrent bien mieux la confraternité d’aujourd’hui.

Donner du sens à une tradition vinique issue du 14ème siècle de manière à assurer un lien avec les générations à venir est une exigence que connaissent tous les vignerons, tant leur passage dans leur vignoble est court en regard des 190 millions d’années de vignes sur la planète Terre. 

Pour avoir rongé mon frein, je mets les bouchées doubles, en tout premier pour les vins : 3 millésimes à la fois, dont quelques vins arrivent et d’autres sont déjà partis.

 

2013 un millésime à retardement

Contrasté et tardif, le millésime 2013 a donné naissance à des vins surprenants : jeunes, leurs parfums étaient dominés par des notes oxydatives, de cidre ou de poiré, y compris les vins de l’Altenberg.

Progressivement ces notes ont disparu pour laisser place à des parfums de fruits et d’épices bien plus attractives ; parallèlement, les « bouches » ont fondu l’acidité et le sel, pour devenir charnues et amples, du sylvaner Dionysiuskapelle à l’auxerrois Horn, des pinots blancs, gris et noirs aux gewurztraminers.

 

2014 fermé, dominé par de franches acidités et des tanins marqués

Malgré les faibles volumes récoltés, les maturités étaient relativement contrastées, à l’image du millésime. Les parfums et arômes restent masqués par le gaz carbonique et la tension. Les rares gewurztraminer sont explosifs ou au contraire totalement fermés. La fraîcheur saline des rieslings et sylvaners reste un signe de belles promesses. Les rouges s’ouvrent en douceur.

Les 2015 chaleureux et confits, sans doute ouverts avant les 2014

L’ensoleillement et les chaleurs estivales ont créés des équilibres à faible acidité, sucrosité élevées et tanins tendres. Côtés blancs, la plupart fermente doucement, notamment les rieslings qui prendront encore près de 2 mois pour achever leur cycle. Sylvaner, pinots et gewurztraminer seront rarement secs, à savoir comportant moins de 2 à 3 grammes de sucres résiduels. Côté Muscat, un sec, nouveau venu, issu de l’Altenberg ; côté rieslings, « wait and trust », tant dans les moûts obtenus que dans les levures qui travaillent à leur rythme. Premier riesling mis en bouteille : le Rothstein qui affiche une acidité totale de plus de 9 points qui contrebalance les 10 gr de sucres résiduels/l: stres hydrique d’un terroir plus fragile ? Un Rothstein en dentelle, bien tendue, entre fleur blanches et rose séchée, entre gewurztraminer et sylvaner,… un Rothstein quoi !